Beaucoup de fournisseurs et de distributeurs ignorent qu’ils sont tenus depuis 2008 d’élaborer et de signer chaque année avant le 1er mars une convention unique récapitulant les conditions commerciales convenues entre eux. Jusqu’à présent, l’ignorance ou le non-respect de la loi ne les exposait pas à un risque inconsidéré, car la sanction pénale encourue n’était quasiment jamais appliquée, compte tenu de l’inadaptation des sanctions pénales à la répression de telles infractions. La loi Hamon du 17 mars 2014 a rendu le risque juridique d’une toute autre ampleur…

Toutes les conventions uniques conclues à compter du 1er juillet 2014 doivent être beaucoup plus complètes qu’auparavant. Elles doivent désormais mentionner le barème de prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur avec ses CGV (en principe, avant le 1er décembre de chaque année) ou le lien Internet vers ce barème, les réductions de prix, l’objet, la date, les modalités d’exécution et la rémunération de la coopération commerciale ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente aux autres obligations. Selon l’Administration, le prix ainsi convenu devrait demeurer intangible pendant un an, sauf nouvel accord des parties, devant à son tour donner lieu à un avenant à la convention unique (à l’exception de certains produits agricoles ou agro-alimentaires pour lesquels, au contraire, est prévue une obligation de renégociation du prix). Le respect de ce formalisme est désormais sanctionné par une amende administrative qui peut atteindre 375 000 euro pour une personne morale et 75 000 euro pour une personne physique. L’Administration prononce directement ces amendes, payables immédiatement, nonobstant le recours ouvert aux parties devant les tribunaux administratifs. Les entreprises se trouvent donc exposées à des contraintes infiniment plus lourdes, et à une probabilité de sanction effective renforcée par rapport au droit antérieur. Comment les entreprises confrontées au casse-tête de la convention unique peuvent-elles alors réagir ?

I. Eviter la convention unique

La solution idéale consiste à se placer hors du champ d’application de la convention.

1. Ne pas se soumettre inutilement à la convention unique. La convention doit être conclue « entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services ». Tous les prestataires de services en relation avec un fournisseur ne sont pas soumis au carcan de la convention unique. La notion de prestataire de services s’entend, selon la CEPC, comme « visant les prestations de services au titre de la coopération commerciale, rendues directement ou indirectement par le distributeur » (avis CEPC du 22 déc. 2008). Il s’agit principalement des centrales d’achats qui fournissent, pour le compte de leurs adhérents, des services de nature à favoriser l’achat ou la revente. La notion de distributeur vise exclusivement les opérateurs économiques qui achètent des produits en vue de les revendre en l’état (avis CEPC du 22 déc. 2008 et avis n° 13-01 du 25 févr. 2013). Les entreprises qui s’approvisionnent en produits pour leurs besoins propres et non en vue de la revente à des tiers sont donc exclues du champ d’application de l’article L. 441-7.

2. Exclure les relations commerciales fondées uniquement sur des CGV. Selon la CEPC (avis n° 10-07), lorsque la relation commerciale se borne à la conclusion de contrats instantanés sur le fondement des conditions générales ou catégorielles du vendeur, il n’est pas requis d’établir une convention unique, celle-ci étant alors constituée par les CGV. Cependant, chaque fois que des conditions dérogeant aux CGV sont conclues ou chaque fois qu’il est convenu de services de coopération commerciale ou d’autres obligations, la convention unique redevient obligatoire.

3. Faire valoir un statut de transformateur. Les opérateurs qui achètent des produits afin de les revendre après les avoir transformés ne sont pas des distributeurs (réponse DGCCRF 08112801, avis CEPC du 22 déc. 2008 et n° 13-01 du 25 févr. 2013). La CEPC a en outre précisé que la transformation peut résulter de la revente, par un opérateur économique, de ses produits dans le cadre d’une prestation de services globale (avis CEPC n° 13-01 du 25 févr. 2013), par exemple pour des cafés-hôtels-restaurants qui revendent à leurs clients des produits en ayant recours à un personnel qualifié dans une ambiance qui ne se résume pas à une revente en l’état.

4. Exciper, le cas échéant, du statut de courtier. Il a été jugé qu’une centrale de référencement, chargée de mettre en relation ses acheteurs avec le fournisseur sélectionné et référencé par ses soins afin de favoriser la conclusion de contrats entre ces derniers, agissait en qualité de courtier (et non de distributeur) et n’était donc pas soumise aux obligations découlant de l’article L. 441-7 du Code de commerce (Paris, 21 nov. 2012, LawLex201200002361JBJ) par opposition aux commissionnaires à l’achat dans leurs rapports avec leurs fournisseurs (avis CEPC n° 12-05 du 10 avr. 2012).

II. Maîtriser la convention unique

A défaut de pouvoir échapper à l’obligation d’établir une convention unique, il est impératif d’en maîtriser les règles.

5. Veiller au formalisme et au calendrier de la convention unique. Les fournisseurs soumis à la convention unique doivent adresser leurs CGV à leurs partenaires avant le 1er décembre sous peine d’être responsables d’un éventuel retard dans la conclusion de la convention, avant le 1er mars. Même si l’exercice peut paraître fastidieux et inutile, il est conseillé de s’y soumettre et de se conformer à l’ensemble des mentions requises.

6. Prévoir intelligemment un prix convenu variable. Il est inconcevable, dans un monde en mouvement, de demeurer lié par un prix intangible pendant un an. Il faut néanmoins convenir d’un prix. Pour concilier ces exigences contradictoires, il est conseillé de convenir soit d’un prix avec une indexation, soit d’un prix tarif fixé par le fournisseur, susceptible de varier en cours d’année à son initiative. Ce mode de fixation du prix, validé par les arrêts d’Assemblée Plénière du 1er décembre 1995 (V. not. LawLex200204345JBJ), est couramment pratiqué depuis 20 ans.

Dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’économie française, il serait préférable de supprimer au plus vite le formalisme de la convention unique ou de la cantonner aux rapports entre la grande distribution et ses fournisseurs.